Première rencontre

Publié le par Steph

La première fois…

Bon sang qu’il faisait soif dans cette voiture ! Il faut dire : quelle idée que de partir dans le sud de la France dans une auto sans clim… une drôle d’idée que j’avais eu là. Dans le froid pays belfortain où je faisais mes études, la clim je n’en avais pas besoin, mais ici, dans la chaleur étouffante de Salon de Provence… Ce n’était pas la même histoire !

Je devais me résoudre : j’avais décidément trop chaud, trop soif… Le malaise me guettait si je ne m’arrêtais pas très vite pour boire. J’avais justement de l’eau dans le coffre de ma vieille Corsa bleue. Un regard sur les panneaux de l’autoroute m’indiqua qu’une minuscule aire de repos était maintenant très proche. Clignotant… Enfin je m’arrête et sors de l’auto. Un léger mistral me rafraichit aussitôt : que cela fait du bien !

Sans attendre, j’ouvre mon coffre, me penche à l’intérieur à la recherche de la précieuse bouteille que je sais avoir mis 2 jours auparavant. Enfin, je la trouve, je me relève et…

Mais… c’est quoi ça ?

Devant moi, à quelques mètres, un chien de petite taille, tout noir ou presque, me regarde l’air apeuré, la queue plaquée entre les pattes. De surprise, je pose ma bouteille sur le toit de la voiture, m’accroupi et l’appelle doucement.

Hey… le chien ! tu fais quoi ici le chien ?

Je tente de l’approcher, il recule… Mais continue de me regarder, l’air inquiet… Il tire une langue d’au moins 10 kilomètres de long !!

Ah ! tu as soif le chien, c’est ça ? bah moi aussi… mais bon… on va partager hein ?

Je me relève, sous le regard scrutateur du toutou effrayé mais curieux. Il faut dire qu’il semble bien seul sur cette aire… Je fouille dans le bazar innommable du coffre de la voiture et trouve une vieille boite à gateaux en métal… En me demandant bien ce qu’elle fiche ici, je me dis que cela fera un récipient de choix pour abreuver la bestiole qui me regarde sans arrêt depuis maintenant 5 bonnes minutes.

Je rempli la gamelle de fortune, la pose au sol et boit enfin à mon tour… le chien se jette sur l’eau et vide totalement l’écuelle en un temps record.

Ah bah oui… tu as soif le chien ! Encore un canon ?

Je me rapproche… il ne s’enfuit plus, regardant l’eau avec avidité. Je reverse un peu du précieux liquide et pendant qu’il boit, je me permet de le caresser. Tendu sous la caresse, mais pas de signe de fuite… Peu à peu il se détend et semble prendre confiance. Je pars en explorations plus poussées… Pas de collier, pas de tatouage nulle part… aucune trace de voiture autre que la mienne sur cette minuscule aire de repos. Et ce n’est pas un chien mais une petite demoiselle.

Bah ma pauvre, t’as l’air bien seule ici… c’est pas un endroit pour une tite chienne comme toi ici ! On fait quoi maintenant ?

Je lui raconte des banalités, avec une voix la plus douce possible, en continuant de la caresser. La petite chienne semble se mettre vraiment en confiance, mais je ne sais toujours pas quoi faire… Je la regarde. Elle a le regard un peu sauvage, mais quelque chose en elle me plait… Peut-être qu’elle me laisse la caresser ? peut-être son air perdu ? Peut-être ce mélange de sauvagerie et de douceur qu’elle dégage malgré tout ? Je ne sais pas… Mais ce que je comprend, c’est qu’il est impossible de la laisser seule ici : il doit faire dans les 40°C… le bitume brulant rend la température encore plus insupportable et la proximité de l’autoroute est un danger bien trop grand !

Bon bah ma belle… on a pas le choix, tu vas venir avec moi et… on verra ?

Je m’attend à ce qu’elle refuse de monter dans la voiture. Quelle erreur ! Je n’ai eu que le temps d’ouvrir la portière et déjà elle avait sauté dans la voiture… sans me quitter une seule fois du regard.

Cas de conscience… Je sais d’instinct que cette petite chienne a été abandonnée à son sort par des maitres indignes de ce nom. Je sais aussi que je ne peux pas la garder… Ma raison me crie de l’emmener au refuge SPA le plus proche : je suis étudiante, je n’ai pas un sou et mon studio est déjà à peine assez grand pour moi… Impossible de garder un chien, même si j’en meurt d’envie depuis 1an, depuis que Réglisse ma caniche noire a quitté ce monde après qu’un cancer se soit généralisé.

Je sais aussi que les chiens abandonnés sont légions à cette saison… et que les refuges sont plein, et que les adoptants sont peu… et que les euthanasies sont fréquentes…

Je la regarde, je ne sais quoi faire… Je l’ai fait monter dans ma voiture, j’en suis responsable maintenant… D’une voix un peu tremblante, je lui murmure  Je suis désolée ma belle… je n’ai vraiment pas le choix…

Elle soupire comme si elle avait compris, et se couche en boule, sur le tapis au pied du siège passager… Je démarre. Je sais que le refuge n’est pas loin. La boule au ventre, je conduis cette petite chienne vers son destin.

Nous arrivons au refuge, elle me suit facilement. Je l’accompagne, explique la situation à la personne présente…  La chienne refuse de se laisser approcher, manifestement terrorisée. Tout semble lui faire peur : les gens, le lieu… tout. Sauf moi et ma voiture… Nous parvenons à la faire entrer dans un boxe… J’ai le sentiment de la trahir, et c’est en pleurant que je quitte ce lieu empli de chiens hurlants.

Certains courent vers moi à travers leur boxes… d’autre tentent d’attirer mon attention en aboyant de toutes leurs forces… D’autres encore ne me regardent même pas : ceux-là me font une peine incroyable : ils ont perdu espoir, ils n’attendent plus rien… Je me retourne, je regarde la petite chienne noire aux oreilles hirsutes.

Elle est assise derrière la grille, elle ne me quitte pas des yeux… Elle reste silencieuse, se contentant de me suivre du regard jusqu’à ne plus me voir.

Il me faudra de longues minutes avant de cesser de pleurer et avant de pouvoir démarrer la voiture… Pendant 3 semaines, le regard de cette chienne hantera mes nuits, je ne penserais plus qu’à elle en permanence, rongée par la culpabilité… incapable de parler de mon geste à mon entourage. Personne, je n’avais dit à personne ce que j’avais fait ce jour là… personne ne savait qu’une petite chienne noire avait croisé ma route, et que ce jour là, je l’avais abandonné dans un refuge de la SPA…

Elle m’avait fait confiance… je l’avais trahi ! Et que devenait-elle maintenant ? Je n’en pouvais plus… cela tournait à l’obsession. J’étais en vacances chez mon papa… Un matin, j’ai dit à Anny, ma belle-mère :

Je vais à la SPA, je veux un chien.

Elle savait à quel point Réglisse me manquait, elle ne tenta pas de me dissuader… de toute manière, ma propre raison qui ne cessait de me dire que c’était de la folie pure n’y parvenait pas. Autant dire que je n’aurais écouté personne ! Ma décision était prise… Je devais savoir, et je devais la sortir de là.

Il ne me fallu que peu de temps pour retourner au refuge. La personne qui m’avait accueilli la première fois n’était pas là. Une autre m’indiqua que je devais aller visiter les enclos, noter le numéro de dossier du chien qui m’intéressait et revenir leur dire.

J’ai eu de la chance : Elle se trouvait dans le premier enclos… Au milieu de plein d’autres chiens qui aboyaient et couraient vers moi… Elle restait calme, assise. Elle me regardait de la même manière que lorsque je l’avais quitté 3 semaines auparavant.

En vitesse, je notais son numéro de dossier… Les informations notées sur sa fiche étaient bien concises :

Age +/- 1an

Robe noire, plastron blanc

Elle était le numéro 452… Rien d’autre.

Je me rendais au bureau, et leur dit que je voulais le chien numéro 452… On me répondit que ce n’était pas possible : ce chien mord ! En plus elle refuse de s’alimenter depuis 2 semaines. Le vétérinaire nous a dit que son comportement était irrécupérable, il sera donc euthanasié.

J’ai senti le sol disparaitre sous mes pieds. J’avais l’impression que j’allais tomber par terre, et une brusque envie de vomir m’avait saisi… Non !! ce n’était pas possible !!

L’employé continuait de m’expliquer que de toute manière, il refusait de me confier un chien : j’étais trop jeune, je ne vivais pas dans la région…

C’est en pleurs que je rentrais chez mon père… Anny ne comprenait rien… Pourquoi donc ne cessais-je pas de répéter « ils veulent pas me donner mon chien ! ils veulent pas me rendre mon chien ! »

Afin de calmer ma crise, et sans vraiment comprendre, elle prit sa voiture et se rendit elle-même au refuge. Elle avait noté le numéro 452… je lui avais décrit le chien… elle ne comprenait pas pourquoi je voulais ce chien et pas un autre. Elle ne pouvait pas comprendre : je n’avais jamais parlé de cette rencontre sur l’autoroute.

Mais elle parvint tout de même a adopter cette chienne, en son nom… Les employés du refuge tentèrent de la dissuader : ce chien mord, il est irrécupérable ! il y en a d’autres…

Mais elle ne céda pas, et un peu plus d’une heure après son départ, elle revenait, ma chienne dans sa voiture. La chienne l’avait suivi sans problème, au grand étonnement des employés du refuge.

Une chance pour moi. Le refuge avait donné un « bon de tatouage » à Anny… Le tatouage aurait du être fait chez un vétérinaire particulier, et le chien enregistré au nom de la SPA… Ils n’avaient pas fait leur travail : je ne leur donnerais aucun droit sur ma chienne. Ce fut un autre vétérinaire qui tatoua, vaccina et soigna ma chienne. Elle fut enregistrée à mon nom et de ce jour n’eut plus aucun rapport avec la SPA.

Elle ne mangeait plus ? Elle était malade… Gastro-entérite aigue ! Il y a de quoi ne plus manger… Elle était gravement déshydratée quand je l’emmenais chez le vétérinaire, le jour même de son adoption… Elle mordait ? elle était juste terrorisée et souffrait horriblement, atteinte d’une otite à chaque oreille, dont un tympan perforé… Il y avait de quoi mordre…

Voila comment Horis est rentrée dans ma vie… Par un coup de chance, un pur hasard, une escroquerie aussi. Comme elle était bâtard, mordeuse de surcroît et destinée à l’euthanasie, elle n’avait pas été tatouée, ni vaccinée…

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
V
<br /> <br /> Quelle histoire...<br /> <br /> <br /> Comme si vous étiez destiné l'une à l'autre...<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Très émouvante rencontre...............elle est trop mignonne Horis....sa petite tête hirsute, son joli masque blanc tout m'a fait craquer.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
A
Une histoire bouleversante, d'injustice réparée, de cruauté et d'amour.Passez de longues années ensemble
Répondre
H
très belle histoire
Répondre